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Un poumon sur une puce
Berne reçoit trois des quatre bourses 3R pour ses recherches sur des méthodes alternatives d’expériences sur les animaux.

Santé et médecine

Une avancée pour renoncer aux expériences sur les animaux

En 2020, trois groupes de recherche de l’Université de Berne ont obtenu, du Centre de compétence suisse 3R (3RCC), des subventions pour des projets innovants visant à trouver une alternative aux expériences sur les animaux. Des cellules de patient·e·s humaines ont ainsi été cultivées en laboratoire afin d’étudier des tumeurs cancéreuses, des fibroses pulmonaires et le passage des médicaments entre la mère et le fœtus.


En 2020, le Centre de compétence suisse 3R (3RCC) a subventionné quatre projets avec un montant total de 1,3 million de francs. Trois projets sont menés à l’Université de Berne et le quatrième à l’EPF de Zurich. Le Centre de compétence suisse 3R encourage ce qu’il appelle les principes 3R (Replace, Reduce, Refine/remplacement, réduction et raffinement de l’expérimentation animale), c’est-à-dire les travaux visant à remplacer dans la mesure du possible les expériences sur les animaux par d’autres méthodes, à diminuer le nombre d’expériences sur les animaux et à réduire au maximum la détresse de ces animaux (voir encadré ci-après). « Nous avons intégré les principes 3R depuis longtemps et encourageons une recherche fondée sur ces principes », souligne Daniel Candinas, Vice-recteur de la recherche de l’Université de Berne. L’octroi des subventions confirme cet état de fait.

Les trois projets bernois ont pour objectif de remplacer les expériences sur les animaux par des cultures cellulaires dans des domaines appropriés. Les scientifiques de l’ARTORG Center for Biomedical Engineering Research et de l’Hôpital de l’Île ont ainsi cultivé des cellules pulmonaires humaines sur une puce pendant que les chercheur·euse·s du Department for BioMedical Research (DBMR) travaillent sur des structures cellulaires tridimensionnelles (organoïdes) afin d’étudier la croissance de tumeurs. Enfin, à l’Institute of Biochemistry and Molecular Medicine (IBMM), un autre groupe de recherche conçoit un modèle cellulaire afin d’étudier comment les médicaments peuvent être transmis de la mère à l’enfant pendant la grossesse.

Un poumon sur une puce

Cultiver des cellules pulmonaires humaines sur un « organ-on-a-chip » (organe sur une puce), une nouvelle génération de modèle in vitro : tel est l’objectif d’Olivier Guenat (ARTORG) et de Thomas Geiser (clinique universitaire de pneumologie). Leurs travaux visent à concevoir un nouveau modèle d’étude de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), une maladie pulmonaire mortelle, provoquant la formation de tissu cicatriciel dans les poumons. Afin de concevoir et tester des traitements contre cette maladie, les chercheurs provoquent des inflammations et fibroses dans les poumons de souris en leur injectant certaines substances. Cependant, de nombreux nouveaux médicaments testés selon ce modèle préclinique débouchent plus tard sur un échec lorsqu’ils sont testés sur des humains, et ce même si les essais sur les animaux se révèlent très prometteurs.

Une partie de l’équipe de recherche du professeur Olivier Guenat (en haut au centre) lors d’une réunion virtuelle. © Mis à disposition

« L’homme et la souris présentent de grandes différences, tant dans leur physiologie qu’au niveau de leur réaction aux médicaments pour les poumons, explique Olivier Guenat. Chez l’homme, la fibrose pulmonaire idiopathique est une maladie dégénérative alors que, chez la souris, la maladie est déclenchée par des substances actives et réversible. C’est pourquoi les résultats des tests ne peuvent pas être transposés tels quels d’une espèce à une autre. »

La technologie du poumon sur une puce du centre ARTORG de l’Université de Berne utilise des cellules de patient·e·s cultivées sur une puce. Les chercheurs peuvent dès lors obtenir des informations cliniques pertinentes sur le processus fibrotique chez l’homme. Cette approche devrait permettre aux chercheuses et cliniciens de tester les médicaments expérimentaux correspondants et d’optimiser les traitements existants de manière à ce qu’ils soient mieux adaptés aux patient·e·s. « Notre recherche contribue à faire progresser le développement de modèles renonçant aux expériences sur les animaux, tout en proposant à chaque patient le meilleur traitement possible », ajoute Olivier Guenat.

Des cellules de placenta et du cordon ombilical

Les médicaments que prend une mère pendant sa grossesse nuisent-ils au fœtus ? Un modèle de perfusion basé sur les cellules devrait permettre de répondre à cette question. Christiane Albrecht de l’Institute of Biochemistry and Molecular Medicine (IBMM) de l’Université de Berne et ses collègues de l’Université Charles en République tchèque et de Curio Biotech SA travaillent actuellement sur ce modèle.

Concrètement, les chercheur·euse·s créent un système tridimensionnel à partir des cellules du placenta de la mère et de la veine ombilicale de l’enfant. Pour la médecine humaine, ces cellules prélevées directement chez les patients sont plus pertinentes que les cellules immortalisées et cultivées, généralement utilisées dans ce type de recherche, ou que le modèle d’expériences sur des animaux. À l’avenir, cette nouvelle méthode devrait permettre de vérifier à peu de frais, rapidement et de manière sûre, si les nouveaux médicaments atteignent le fœtus et peuvent avoir des effets toxiques sur lui.

Christiane Albrecht entend développer une méthode rapide, peu coûteuse, sûre et sans expériences sur les animaux pour tester les médicaments. © Mis à disposition

« Dans le cadre des approches actuelles de criblage des médicaments, plusieurs centaines d’animaux sont utilisés pour chaque médicament afin d’étudier les effets potentiellement toxiques sur le fœtus en développement, explique Christiane Albrecht. Un modèle validé, reproductible, basé sur les cellules humaines et reconnu par les autorités réglementaires, pourrait à l’avenir servir de modèle de criblage prioritaire. On empêcherait ainsi l’utilisation de nombreux animaux et les limitations évidentes des modèles basés sur les animaux peuvent être contournées. »

Structures cellulaires tridimensionnelles

Comment se développent les tumeurs, comment se comportent-elles face aux médicaments et comment se forment les résistances aux traitements ? Marianna Kruithof-de Julio et Mark Rubin du Department for BioMedical Research (DBMR) de l’Université de Berne souhaitent répondre à ces questions à l’aide de ce qu’on appelle les organoïdes. Ils utiliseront à cette fin les subventions du 3RCC pour cultiver ces petites structures cellulaires tridimensionnelles.

Les organoïdes sont des microstructures élaborées à partir des tissus de patients atteints d’un cancer de la vessie ou de la prostate. Les chercheur·euse·s souhaitent optimiser et standardiser les processus permettant de produire avec fiabilité des organoïdes propres aux patient·e·s.

Avec son projet, Marianna Kruithof-de Julio souhaite contribuer à lever l’un des plus gros obstacles du traitement du cancer et remplacer les expériences sur les animaux. © Mis à disposition

« Dans notre programme d’oncologie de précision, nous voulons comprendre pourquoi certains patient·e·s ne répondent pas à un certain traitement contre le cancer, explique Marianna Kruithof-de Julio. Cette résistance au traitement et les différences entre les patient·e·s ne peuvent pas être reproduites facilement avec des lignées cellulaires classiques et des modèles animaux. »

Le groupe d’organoïdes de l’Université de Berne produira des organoïdes stables propres aux patients, auxquels les chercheur·euse·s pourront accéder dans une biobanque, ce qui devrait les aider à concevoir de nouveaux traitements contre le cancer. « Ce projet devrait modifier la manière dont nous étudierons la résistance des tumeurs, confie Marianna Kruithof-de Julio. Nous entendons contribuer à lever l’un des plus gros obstacles du traitement contre le cancer, tout en remplaçant les expériences sur les animaux par d’autres alternatives. »

Expériences sur les animaux et principes 3R

Conformément à la loi sur la protection des animaux, les expériences avec les animaux sont réduites au strict nécessaire : elles peuvent être réalisées uniquement si aucune alternative appropriée n’est connue pour atteindre également l’objectif visé. Pour chaque expérience réalisée avec un animal, les chercheur·euse·s doivent prouver que l’utilité que la société peut tirer de l’expérience justifie sa détresse et son inconfort pendant l’essai. Cet arbitrage est un élément essentiel de la procédure d’autorisation. Le principe des 3R comprend trois outils permettant une protection maximale des animaux utilisés dans les expériences sans réduire la pertinence de la recherche scientifique : -Remplacement : remplacement d’une expérience sur un animal possible en présence d’alternatives appropriées. -Réduction : réduction, autant que possible, du nombre d’expériences et du nombre d’animaux utilisés pour les expériences. Il est essentiel d’utiliser autant d’animaux que nécessaire pour obtenir des résultats statistiquement fiables. Toutefois, il convient d’utiliser les animaux en nombre suffisant. Dans le cas contraire, les résultats manqueraient de pertinence. -Raffinement : les méthodes utilisées avec les animaux pendant les expériences et concernant leurs conditions de vie doivent garantir une limitation maximale de leurs contraintes et faire en sorte que les animaux aillent le mieux possible.

Centre de Compétence Suisse 3RCC

En Suisse, le Centre de compétence suisse 3R (3RCC) promeut les principes 3R. Le 3RCC est une initiative commune des hautes écoles, du secteur industriel, des autorités de surveillance, des autorités gouvernementales et des organisations de protection des animaux.

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