Quatre modèles de financement
Mais qui doit financer la réduction du temps de travail ? L’équipe de recherche a esquissé quatre solutions. Le premier modèle prévoit simplement une baisse de revenu, c’est-à-dire que les travailleurs et travailleurs perçoivent moins d’argent pour moins d’heures de travail. Dans ce modèle, la question de l’atténuation sociale est centrale. « Nous proposons un modèle qui associe la réduction du temps de travail à une compensation salariale progressive », précise Christoph Bader. Ainsi, les personnes qui travaillent actuellement 42 heures par semaine mais ont un revenu inférieur au salaire médian pourraient à l’avenir travailler par exemple 30 heures avec une compensation intégrale de leur salaire. Elles gagneraient le même salaire, mais auraient plus de temps libre. En revanche, la baisse de salaire ne serait que partiellement compensée pour les personnes à revenu élevé. Elles percevraient donc un salaire légèrement plus faible, mais auraient, elles aussi, plus de temps libre. « Il est statistiquement prouvé que l’impact environnemental augmente avec le revenu. De ce point de vue, ce serait également pertinent sur le plan écologique », poursuit Christoph Bader avant de souligner : « Il est important de comprendre que la qualité de vie ne se mesure pas seulement à l’aune de l’argent – le temps est aussi une forme de richesse. »
Deuxième modèle imaginé par l’équipe de recherche du CDE : baisse du temps de travail, mais pas des salaires. « Dans ce cas, les employeurs pourraient augmenter ou augmenteraient le prix de leurs produits et services, ce qui se répercuterait indirectement, au moins en partie, sur les salarié·e·s », commente Christoph Bader. Une troisième solution consisterait à financer la réduction du temps de travail par la fiscalité en imposant moins le travail et plus le capital et l’environnement. L’équipe de recherche estime que la quatrième solution est très intéressante : « Il est tout à fait concevable qu’une réduction généralisée du temps de travail en Suisse entraîne une baisse des coûts de santé et de l’assurance-chômage », selon Christoph Bader. Les études montrent en effet que les personnes qui ont réduit leur temps de travail sont moins sujettes au burn-out. Selon le Job Stress Index, environ un tiers des cinq millions de personnes actives en Suisse sont aujourd’hui émotionnellement épuisées. « Dans cette perspective, une réduction du temps de travail pourrait même être neutre en termes de coûts pour l’économie », suggère Christoph Bader, qui ajoute qu’il faudrait néanmoins étudier la question plus en détail.