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Émissions de CO₂ : une hausse sans précédent
Jamais l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre d’origine humaine n’a été aussi importante

Developpement durable

Une augmentation six fois plus élevée et presque dix fois plus rapide

On a également observé des hausses brutales de la concentration de CO₂ dans l’atmosphère au cours des périodes chaudes précédentes. Mais l’augmentation actuelle des émissions de CO₂, provoquée par l’être humain, est plus de six fois plus élevée et presque dix fois plus rapide que les hausses jamais observées. C’est la conclusion formulée par une équipe de recherche européenne dirigée par l’Université de Berne.

 

Une nouvelle technologie de mesure développée à l’Université de Berne permet d’étudier le passé du climat avec un niveau de détail inégalé. Grâce à des mesures à haute résolution, il a été possible de reconstituer avec une précision inédite les concentrations de CO₂ passées dans l’atmosphère à l’aide de carottes de glace prélevées dans l’Antarctique. Cette plongée sans précédent dans la composition de l’atmosphère d’il y a quelque 330 000 à 450 000 années a notamment été rendue possible par l’expérience de plusieurs décennies des chercheuses et chercheurs de l’Université de Berne en matière d’analyse de ces archives uniques du climat. Les résultats de l’étude ont été publiés en août 2020 dans la revue « Science ».

Christoph Nehrbass-Ahles, auteur principal de l’étude, utilisant l’appareil de mesure de CO2 qu’il a développé à l’Université de Berne.

La fonte des glaces perturbe la circulation océanique

La reconstitution détaillée du climat des huit périodes chaudes et glaciaires qui se sont succédé au cours des 800 000 années passées est riche en enseignements. Dès 2008, les spécialistes des carottes glaciaires de l’Université de Berne avaient montré que la concentration de CO₂ dans l’atmosphère a toujours été beaucoup plus faible qu’aujourd’hui. Jusqu’à présent, on ne connaissait cependant pas la vitesse maximale et la fréquence des hausses des émissions de CO2 d’origine naturelle. L’étude bernoise en cours montre que les hausses brutales de la concentration de CO₂ constitue une caractéristique très répandue de notre système climatique et peuvent même survenir durant les périodes interglaciaires. « Jusqu’à présent, on supposait que le climat était très stable pendant les périodes chaudes naturelles et qu’il n’y avait pas de changements rapides de la concentration de CO₂ dans l’atmosphère », explique Christoph Nehrbass-Ahles, auteur principal de l’étude, qui a obtenu son doctorat à l’Université de Berne et est depuis peu chercheur à l’Université de Cambridge.

Selon lui, les hausses brutales surviennent toujours lorsque la fonte des glaces au Groenland ou en Antarctique perturbent fortement la circulation océanique. Si le CO₂ monte dans l’atmosphère, on observe également des changements dans la circulation de l’Atlantique.

Une augmentation de la concentration de CO₂ dix fois plus lente qu’aujourd’hui

L’équipe de recherche a été surprise que l’on ait pu démontrer des hausses rapides de la concentration de CO2 non seulement pendant les périodes glaciaires, mais aussi au cours de deux périodes chaudes passées. « Nous avons vérifié plusieurs fois ces événements dans la glace et sommes systématiquement arrivés à la même conclusion », poursuit Christoph Nehrbass-Ahles. L’équipe de recherche n’a pas pu déterminer les raisons des hausses de la concentration de CO₂ dans l’atmosphère lors des précédentes périodes chaudes. « Nous ne savons pas encore pourquoi cela est arrivé », complète le climatologue bernois Thomas Stocker, coauteur de l’étude : « Ce sont de nouvelles questions pour la recherche. »

Cependant, les augmentations de la concentration de CO₂ survenues pendant les précédentes périodes chaudes sont très inférieures à ce que l’on observe actuellement : « Ces hausses naturelles de la concentration de CO₂ étaient presque dix fois plus lentes que l’augmentation d’origine humaine enregistrée durant la dernière décennie », Christoph Nehrbass-Ahles.

Bon à savoir

« À l’heure actuelle, la concentration de CO2 dans l’atmosphère est 35% plus élevée qu’elle ne l’a jamais été au cours des 800 000 dernières années. Dès 2008, dans le cadre du projet EPICA, les chercheuses et chercheurs de l’Université de Berne ont réussi à reconstituer, grâce à l’analyse de carottes de glace prélevées dans l’Antarctique, la marge de fluctuation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère pendant cette période – un record mondial. »

La plus forte hausse des périodes passées équivaut à six ans d’émissions de CO₂ aujourd’hui

La comparaison des augmentations reconstituées avec la hausse actuelle de la concentration de CO₂ provoquée par l’être humain est également intéressante. Selon Thomas Stocker, la plus forte hausse dans le passé a été d’environ 15 ppm (parts per million, unité de mesure de la concentration de CO₂ dans l’atmosphère). Cela correspond à une augmentation que la population humaine provoque actuellement en l’espace de six ans. « Cela peut paraître insignifiant au premier abord », précise Thomas Stocker. « Mais eu égard aux quantités de CO₂ que nous pouvons encore émettre pour atteindre l’objectif de 1,5 degré décidé à Paris, ces chiffres sont très importants. » Car une chose est sûre : une augmentation supplémentaire de la concentration de CO2 due au réchauffement climatique, comme cela a été le cas dans le passé, mettrait plus encore l’humanité au pied du mur en matière de protection du climat.

Centre stratégique

Centre Oeschger de recherche en climatologie

Le Centre Oeschger de recherche en climatologie (OCCR) est l’un des centres stratégiques de l’Université de Berne. Il accueille des chercheuses et chercheurs de 14 instituts et de quatre facultés. L’OCCR mène une recherche interdisciplinaire aux avant-postes des sciences du climat. Créé en 2007, le Centre Oeschger porte le nom de Hans Oeschger (1927-1998), pionnier de la climatologie moderne, qui avait travaillé à l’Université de Berne.

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